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La Banque Nationale Suisse – une bombe à retardement ?

18.05.2020 Vous vous souvenez certainement du bénéfice mirobolant de 48,9 milliards de francs suisses que notre Banque Nationale Suisse a réalisé durant l’exercice 2019. Immédiatement des « appétits » se sont manifestés… La douche froide du résultat d’exercice pour le 1er trimestre 2020 de 38,2(!) milliards de francs a rapidement calmé les esprits. Le bénéfice de l’année 2019 – si on peut parler de bénéfice – a donc presque été anéanti en trois mois d’exercice durant la crise du Covid-19.

Le bilan de la BNS est de 852 milliards de francs CHF (878 milliards $), soit 122% du PIB suisse. C’est le bilan avec le plus fort effet de levier parmi toutes les grandes banques centrales. Ce n’est pas tout : si nous analysons les avoirs de la BNS, nous constatons qu’il s’agit d’un des plus gros fonds spéculatif au monde. Un peu plus de 76% des avoirs sont libellés en dollars américains (36%) et en euros (40%), 24% dans d’autres devises comme le yen (8%) la livre sterling (6%), le dollar canadien (3%) et d’autres monnaies (7%). Près de 100 milliards $ sont investis dans des actions américaines comme Apple, Microsoft, Google, etc.

La BNS spécule donc massivement sur les devises, avec 92% de ses actifs dans des investissements autres que le franc suisse. C’est un pari énorme d’une banque nationale contre sa propre monnaie. La raison officielle : elle fait cela pour maintenir le franc suisse à un niveau bas par rapport à ses principaux partenaires commerciaux, l’UE et les États-Unis. Il est extrêmement dangereux et irresponsable à l’égard du pays et de ses actionnaires d’exercer un tel effet de levier sur le bilan. Les plus gros actionnaires sont les cantons, qui en détiennent 55%. Comme dit, au premier trimestre 2020, la BNS a perdu plus de 38 milliards de francs suisses (39 milliards $) sur ses investissements, principalement sur le marché boursier américain. Les cantons sont dépendants des dividendes de la BNS. C’est un coup dur.

Ce n’est que le début pour la BNS. Lorsque le marché boursier américain chutera de 30% ou plus, ce qui est probable, les pertes s’accumuleront. Mais les positions en devises sont encore pires. Chaque baisse de 10% du dollar et de l’euro par rapport au franc suisse signifie une perte supplémentaire énorme pour la BNS. Cela débouchera sur une accélération de la planche à billets suisse et un affaiblissement du franc suisse.

La BNS est une bombe à retardement, mais ce n’est pas la seule. Le système bancaire suisse, qui représente 5 fois le PIB suisse, l’est aussi. A un moment donné ce rapport était même de 7. C’est trop gros pour un petit pays, surtout lorsque les marchés de la dette sont sous pression, ce qui commence déjà à être le cas. Par rapport à la taille du pays, la BNS devra imprimer des quantités massives de francs suisses, qui n’auront aucune valeur, comme tout argent imprimé.

La conclusion est claire. Aucun système bancaire n’est sûr, même celui de la Suisse. Par conséquent, toute personne qui détient des actifs importants au sein du système financier, qu’il s’agisse de liquidités ou de titres, est exposée à un risque inacceptable dans les mois et les années à venir.

Source :
https://www.snb.ch/[...]/pre_20200302_1.fr.pdf
https://www.snb.ch/[...]/pre_20200423.fr.pdf
https://data.snb.ch/[...]/C